Né 15 octobre 1875 à Roanne, Nicolas Benoit vécut son adolescence à Alger où sa famille s’installa en 1884. Il recevra de ses parents une éducation équilibrée, axée sur le sens du devoir. L’influence de sa mère, surtout, sera prépondérante dans ses options d’adulte. Il entre à vingt ans à l’Ecole Navale avec le numéro deux. Devenu élève à bord du bâteau-école « Iphigénie », il part faire le tour du monde en suivant le rude apprentissage des futurs enseignes de vaisseau.
Jeune Officier de Marine
Il naviguera, et dès lors, au cours de nombreux embarquements où il fera la preuve de ses qualités de commandement et de décision. Ainsi, lors d’un incendie éclatant à bord de son navire en rade de Dar-es-Salam, sa rapidité d’intervention évitera la propagation du feu qui aurait pu causer une catastrophe. Il recevra à cet effet une décoration impériale allemande qu’il ne portera jamais. Une autre fois, il n’hésitera pas à se jeter à la mer pour sauver la vie d’un matelot tombé à l’eau.
Aussi bien à bord que dans ses engagements personnels, Nicolas Benoit se fait remarquer par une vie austère et une très grande capacitié de travail. Il s’intéresse beaucoup à l’ésotérisme, aux forces psychiques dont il finit par avoir une telle certitude qu’il consigna ses réflexions dans un livre écrit sous le pseudonyme de Victor Morgan, « La Voie du Chevalier ». Nommé lieutenant de vaisseau en 1906 et après quelques campagnes en Afrique et en Asie, Nicolas Benoit sollicite l’envoi en Angleterre, pendant une année, pour se perfectionner dans la langue et obtenir le brevet militaire d’interprète.
Découverte du Scoutisme en 1910
C’est au cours de ce séjour (01/05/1910 - 20/04/1911) qu’il découvre le scoutisme naissant de Baden-Powell et s’y intéresse de façon très minutieuse. Il se documente sur les idées de B.P. et prend des notes qu’il résumera à sa rentrée en France en une lettre-rapport qu’il adressera personnellement à M. Delcassé alors ministre de la Marine.
Il reçut un témoignage de satisfaction du Ministre (décision du 10 août 1911) « pour s’être signalé par un travail plein d’intérêt (Note sur l’organisation des boy-scouts en Angleterre) remis après un séjour d’un an en Angleterre pour se préparer au brevet d’interprète ». Peu avant - le 12 juillet 1911 - il avait été fait Chevalier de la Légion d’Honneur .
On peut expliquer tout cela par l’intérêt soudain qu’à l’époque, les autorités militaires de plusieurs armes montraient à l’égard du scoutisme, considéré alors comme un moyen patriotique de viriliser la jeunesse et une façon détournée de lui faire faire de la préparation militaire.
Le commandant Royet, officier instructeur à l’Ecole de Saint Cyr, traduisait alors librement l’ouvrage de Baden-Powell et les généraux Langlois (de l’Académie Française, hors cadre, il est vrai) et Pontavice (Protestant, initié par le pasteur Gallienne) faisaient l’éloge du scoutisme, activité patriotique par excellence. Au cours des trois mois qui lui ont été accordés et qui seront prolongés jusqu’à quatre (et peut-être cinq ou six) Nicolas Benoit s’efforce de prendre contact avec toutes les personnes qui veulent pratiquer le scoutisme ou qui s’y intéressent.
Premiers Contacts pour fonder le Scoutisme en France
Muni d’une lettre de recommandation du Colonel Hugues, Nicolas Benoit entre d’abord en relation avec André Chéradame du « Petit Journal », journaliste qui, le second en France, avait publié en 1909 un article sur le scoutisme anglais, après Paul Charpentier du « Journal des Voyages » en 1908. Cheradame connaît admirablement tout le milieux qui vient de se passionner pour le scoutisme et il met rapidement Benoît en contact avec lui. C’est ainsi qu’il rencontrera successivement : le pasteur Gallienne, Georges Bertier de l’École des Roches, Paul Charpentier, Toni-Mathieu de l’Echange international des jeunes gens, Francis Young du Camping-club et de nombreux militaires parmi lesquels les généraux de Pontavice et Langlois, les colonels Rochefort et Rousset, le commandant Malo-Lefèvre. Finalement Chéradame obtint pour Nicolas Benoit un rendez-vous, début mai 1911 , avec le baron Pierre de Coubertin.
A cette époque, Coubertin, initateur du sport populaire en France, avait déjà largement oeuvré pour la restauration des Jeux Olympiques (1896). Son prestige était grand, mais son caractère affirmé, notamment en matière pédagogique, lui avait fermé les portes tant à l’Instruction publique que confessionnelle qu’il critiquait très vivement. Ses idées en matière d’éducation étaient largement inspirées de l’expérience anglaise de Thomas Arnold dont le programme éducatif reposait sur la formation du caractère par le corps. Coubertin, du reste, au cours du discours qu’il avait prononcé aux premiers Jeux Olympiques d’Athènes en 1896 n’avait-il pas dit : « Le caractère ne se forme pas par l’esprit : il se forme surtout par le corps.. » A l’énoncé de la méthode de B.P., Coubertin pensa qu’il existait une certaine similitude de vue avec ses propres idées. De ce fait, il espérait, grâce aux structures sportives existantes (Société des Sports Populaires), lancer un mouvement dans l’idée du scoutisme avec cependant de grandes différences notamment en ce qui concernait la promesse, l’uniforme, les insignes, etc...
Nicolas Benoit et le Baron Pierre de Coubertin
A ce moment, Nicolas Benoit qui sait que son affectation va changer et que le temps lui est compté, comprend que la Ligue va suivre le baron dans des idées qui ne sont pas celles du scoutisme de Baden Powell. En réaction, il écrit rapidement une petite brochure intitulée : « les Eclaireurs de France » avec en page une, l’écusson circulaire et l’arc tendu qui seront jusqu’en 1940 l’insigne des EDF.
Dans cette petite livraison publiée par « Le Joural des Voyages », Nicolas Benoit résume en introduction le parcours qu’il a suivi de l’Angleterre jusqu’à la Ligue d’Éducation Nationale dont il dit clairement se séparer pour plusieurs raisons. Puis il donne le plan d’organisation et de fonctionnement de troupes d’éclaireurs. Cette présentation reçut l’approbation et la collaboration de G. Bertier, Francis Young, Rodroguez et Paul Charpentier, et bientôt Nicolas Benoit fait appel à Chéradame qui deviendra le premier président des Eclaireurs de France. Pendant ce temps Coubertin constituait un Comité de soutien et après mures réflexions décidait de lancer à son tour les « Éclaireurs Français » avec la Ligue d’Éducation Nationale.
Le 27 octobre, une grande réunion se tenait à la Sorbonne à Paris où en présence d’une foule importante et du Comité de soutien au complet, ne comportant pas moins d’un vice-recteur d’académie, un membre de l’Institut, un proviseur honoraire, et un amiral, Coubertin annonçait le caractère officiel des Eclaireurs Français. Le succès des idées de Coubertin semblait assuré. Mais de Bizerte où il avait enfin dû se rendre, Benoit relançait ses amis et, dès le 2 novembre, la rupture était consommée, avec quelques hésitations de la part de Georges Bertier qui avait déjà accepté d’être membre du bureau de la Ligue.
Création des Éclaireurs de France
Le 2 décembre 1911, sous l’impulsion de Nicolas Benoit, Chéradame, Charpentier, Bertier et le pasteur Gallienne déposaient les statuts des Eclaireurs de France qui débutèrent officiellement le 4 février 1912. Par écrit, Nicolas Benoit exprimera alors les conceptions déterminantes qu’il avait du scoutisme. Elles étaient un peu en retrait de l’opinion de l’époque qui n’y voyait qu’une sorte de préparation militaire. Pour l’officier de marine, le sens de l’honneur, la promesse solennelle sur l’étendard, étaient des moyens excellents à la portée des garçons qui voulaient bien les prendre en compte. Par ailleur, le scoutisme était pour lui la façon de conquérir une indépendance personnelle grâce à la maîtrise de soi et à l’exercice de sa volonté. Les Eclaireurs Français, quant à eux, ne déposèrent leurs statuts qu’en août 1912. Ils n’existèrent que pour mémoire ou dans quelques très rares unités.
Le commandant en second du contre-torpilleur « La Pique », il quitta ce poste en Janvier 1913. Il avait, en effet été affecté à l’état-major général ce qui lui permettait de se consacrer, après son travail, au nouveau mouvement. Il put prendre contact avec les premières troupes d’Eclaireurs de France. Ce furent les seuls moments où il entrevit l’essor du scoutisme. Nicolas Benoit qui était marié, se donnait tout entier à ces tâches avec un grand dévouement qui finit par altérer sa santé.
Mort pour la France
Malheureusement, la guerre de 1914 devait écourter tragiquement la vie du fondateur des EDF. Après son embarquement sur le croiseur « Chateaurenault », il demanda à servir dans une unité combattante sur le front. Il fut muté au 2ème Régiment de Fusillers Marins reconstitué après le fait d’armes de Dixmude. Engagé sur le front de l’Yser avec son régiment, le Lieutenant de vaisseau Nicolas Benoit devait tomber mortellement frappé, le 17 décembre 1914, à Nieuport-Steenstrate (Belgique), lors d’une charge à la baïonnette.
D’abord inhumé au cimetière militaire de Moulin-Pypegrade-Remingue en Belgique, son corps fût ramené au Cimetière National de Notre Dame de Lorette - près de Lens - où il repose maintenant.
Par le hasard tragique des guerres...
L’un des fondateurs du scoutisme en Allemagne : Maximilien Bayer, fut lui aussi tué au combat (le 25 octobre 1917 à Nomény - Meurthe et Moselle), à la tête de ses hommes, durant cette même guerre 14-18 ... !
Sources concernant Nicolas Benoit :
- « Mémoire du scoutisme » de Louis Fontaine
- « LesEclaireurs de France » de P. Kergomard et P. François (Paris 1984)
- « Aux Sources du Scoutisme Français » Editions du Scorpion, 1961
- « Différents articles » du Journal des Voyage, de la Revue Illustrée (1908/1912) et de Kim
Ouvrages de Nicolas Benoit :
- « La Voix du Chevalier » Édition de 1911
- « Les Éclaireurs de France » Édition du Journal des Voyages (septembre 1911)